N’allez pas imaginer une terre ravagée par les flammes : elle tient son nom des barques des yamanas qui pêchaient en maintenant un feu à bord pour se réchauffer. La terre de feu est partagée entre le Chili et l’Argentine, l’occasion de notre avant dernier passage de frontière avant la fin du voyage. Nous sentons encore beaucoup de vieilles rancœurs entre ces deux pays où à chaque frontière il y a forcément une zone de gravier au sol et les uns et les autres font des allusions très claires sur le présupposé mauvais comportement de leur voisin. En passant les frontières (peu importe les continents), nous avons souvent eu le sentiment que notre monde est une véritable « pétaudière ».
Comme son nom ne l’indique pas, la terre de feu est une île : elle est séparée du continent par le détroit de Magellan. Le ferry de Punta Arenas nous amène à Porvenir. A une centaine de kilomètres, se trouve la seule colonie de pingouins royaux du continent, les autres sont en Antarctique. C’est étrange de les voir évoluer sur la terre herbeuse et non sur la banquise.
Nous commençons à croiser beaucoup de cyclistes : ceux qui remontent d’Ushuaia sont souvent en début de voyage et ceux qui descendent le termine. En moins d’une semaine, nous en rencontrons plus que depuis dix mois. Nous nous échangeons les bons plans pour dormir. Ceux qui ont du vent de face envient ceux qui l’ont dans le dos, qui eux plaignent sincèrement les premiers. Heureusement, nous sommes deux, le moral est plus fort. Nous sommes souvent en difficultés pour planter la tente : pas de possibilité de s’abriter, beaucoup de vent, la tente bien que solide et ayant essuyée plus d’une tempête ne tiendrait pas. C’est ainsi que nous dormons dans un refuge pour voyageur au Chili à sept cyclo installés à même le sol, dans une salle dédiée aux chauffeurs et voyageurs à la frontière Argentine avec deux des sept du jour précédant (avec en prime grand luxe : un lavabo, un réchaud gaz et une douche chaude) puis dans un petit local dans une estancia (ferme), dans l’entrepôt d’une boulangerie célébrissime chez les cyclo et enfin dans un bungalow abandonné au bord d’une lagune. Ici, l’intimité, on oublie mais globalement, nous avons passé des moments assez drôles voire loufoques… Et pris conscience que le monde des cyclos est vraiment bien hétérogène : entre celui qui voyage depuis 18 mois sans pompe, celui qui veut à tout prix garder son vélo dans le petit local où nous sommes déjà entassés à cinq, celui qui saute des repas ou se nourrit de gâteaux, ceux qui trimballent leur parapente de 15 kg et leur valise à roulettes, bref tout ces trucs complètement impensables pour nous.
Bien que rassurées pour la tente, nous trouvons parfois que tout cela manque de naturel et de spontanéité tant l’accueil des cyclistes est quasi institué dans certains lieux. Le comble, finalement, nous sommes presque déroutées que cela soit si facile. Nous rencontrons également des français très sympas dont une adorable famille en camping car avec laquelle nous avons passé plusieurs chouettes moments et deux copains cyclotouristes qui ont embarqué quelques uns de leurs pingouins.
Le vent nous joue encore quelques tours difficiles mais globalement nous avons vraiment fait le bon choix en descendant du Nord au Sud car objectivement nous avons plusieurs jours de suite du vent favorable. Face à cela, quelques heures de vent de face nous semble vraiment dérisoire. Nous appréhendions cette partie car nous savions qu’il s’agissait du dernier gros « morceau » après le désert du Sud Lipez et la carretera austral.
Avant Ushuaia, nous traversons la ville Rio Grande, très fière de proclamer l’appartenance des Îles Malouines à l’Argentine, peut être les connaissez-vous sous le nom des îles Fakland ? Nous avions compris qu’elles étaient anglaises, composées essentiellement d’anglais mais manifestement les argentins ont une opinion bien différente et sont persuadés qu’elles sont Argentines. De nombreux monuments à la gloire des anciens combattants émaillent la ville. Le jour de notre passage, les joggeurs réunis pour une course arborent un maillot « nous sommes tous les Malouines ». La logique en terme de proximité voudrait que ces îles dépendent de l’Argentine mais le dernier référendum et l’histoire en ont a priori décidé autrement. Les argentins sont tellement persuasifs que nous finissons par vérifier. Temps qu’on est en Argentine, nous allons éviter le sujet.
A une centaine de kilomètre d’Ushuaia, nous quittons les paysages de pampa pour de la forêt. C’est incroyable comme le changement de paysage nous fait du bien…
Nous arrivons donc à Ushuaia en compagnie de Louise et Duncan, les copains Ecossais croisés, perdus et retrouvés sans cesse depuis la carretera australe. Nous avons plusieurs jours d’avance car nous avions prévu initialement des journées de 40 km tant la météo est imprévisible et la chaussée mauvaise sur 150 km. Et nous avons mieux roulé… Donc Ushuaia, nous voilà.
Beaucoup de voyageurs ont une piètre image de cette ville : il n’y aurait soi disant pas grand chose à faire mais c’est sans compter les environs. La ville, en effet, n’offre pas de beauté architecturale mais elle est entourée de montagnes. C’est une ville assez récente comparée à celles de nos villes et villages en France car construite par les premiers colons et les missionnaires (et les bagnards) au19 ème. D’ailleurs, le musée de la ville est assez drôle pour un français car nous avons plus l’impression de visiter une brocante qu’un musée tant notre vision de « l’ancienneté » des objets diffèrent.
Nous sommes sur le territoire des Yamanas, peuple nomade qui vivaient dans des tentes de peau, nus enduits de graisse pour lutter contre le froid et se nourrissaient de produits de la mer. Le principal musée de la ville expose des photos de Yamanas affublés de vêtements européens qui nous mettent vraiment mal à l’aise. Comme les autres peuples de Patagonie, ils ont été décimés par les épidémies et les colons.
Nous passons plusieurs jours au parc national de la terre de feu puis faisons des balades à la journée qui grimpent, qui grimpent. Les photos parleront d’elles mêmes.
Une petite déception quand même : Ushuaia n’est pas la ville la plus australe du monde. Nous ne savons pas pourquoi elle s’est arrogée cette dénomination. De l’autre côté du canal de Beagle (donc plus au Sud), le Chili a une petite ville appelée Puerto Williams. Nous avions prévu d’y passer quelques jours mais les prix prohibitifs des bateaux nous découragent rapidement : l’aller/retour coûte entre 220 et 250 euros par personne pour un trajet de 30 minutes en bateau puis 2 heures de bus. Au port, nous cherchons la possibilité d’y aller avec un bateau de plaisance mais le retour à Ushuaia est un peu aléatoire donc pas de prise de risque, nous restons donc 10 jours à Ushuaia. Nous y sommes pour le jour le plus long de l’année et la nature nous offre des lumières de toute beauté. Néanmoins, n’imaginez pas que nous avons passé Noël sur une terrasse : c’est en effet l’été mais nous avons laissé le tee shirt à manches courtes dans les sacoches. Trois jours après l’arrivée à Ushuaia, il a neigé…
Nous quittons définitivement l’Argentine après y être rentrées 7 fois. Nous garderons un bon souvenir de ce pays à la fois très inhospitalier par ses conditions climatiques et chaleureux avec ses villes aux habitations à un ou deux étages mais à l’histoire contemporaine toujours très ancrée. Argentine, tes alfajores (gâteau à la confiture de lait) nous manqueront.
Retour au Chili en prenant un bus pour retourner à Puerto Natales où nous voyagerons en ferry pendant plus de trois jours pour rejoindre la ville de Puerto Montt. Nous y passerons la nuit du 31 décembre.
Bonnes fêtes de fin d’année, soyez heureux et profitez de vos proches. Nous penserons bien à vous et vous embrassons.
De l’Ancre où le ciel est très gris, le temps très doux & la maisonnée très calme, nous vous souhaitons un bon passage dans l´an dix neuf…
Merci pour ce nouveau récit, vous pourriez-vous recycler à votre retour en profs de géo sciences de la nature anthropologie & ethnologie!
Des bisettes de la mer d’iroise à nos cyclotouristes préférées.
Bon passage dans l’an 19 au bout du monde… en vous souhaitant un réveillon original que vous nous raconterez avec humour dans le prochain blog.
Merci pour votre nouveau récit : je pense que vous devriez vous recycler à votre retour en profs de géo sciences de la nature & ethnologie! J’ai adoré cette fois-ci le descriptif des manies saugrenues et plurielles de certains cyclistes avec qui vous partagez votre espace nocturne !
Des bises de la mer d’iroise de Cath & Dom à leurs cyclotouristes préférées
Merci beaucoup Maé, on essaiera au retour de vous faire une session photo des maisons de Neruda : on a pensé à vous en les visitant, je crois que vous auriez adore.
Grosses bises.
Bonne année 2019 à toutes les deux.
Profitez bien de vos derniers jours en Amérique du Sud avant le retour chez les « Gaulois ».
Amitiés
Alain et Chantal
(Copacabana, Potosi)
Bonjour Chantal et Alain,
J’espère que vous allez bien. Merci beaucoup pour vos vœux. A notre tour, nous vous souhaitons une belle annee 2019. C’est étonnant de répondre aux vœux alors qu’il fait 30 degres à l’ombre.
Amitiés.
Bonjour les filles ! Une nouvelle fois merci pour vos écrits passionnants ! très très belle année 2019 à vous et au plaisir de vous revoir en France bientôt !
Gros bisous à vous 2.
Sonia
Coucou Sonia,
merci beucoup pour tes vœux. Nous te souhaitons aussi une très belle annee 2019. Eh oui, on se voit bientot à la mi février pour de nouvelles aventures un peu moins dépaysantes (encore que… Pas toujours).
Grosses bises.
Salut les filles cela fait plusieurs semaines que je n’ai pas pris le temps de vous lire, et bien ouah!!
ça fait du bien!! On a l’impression d’être avec vous……Très belle année 2019……J’attends la suite avec impatience.
Mille bisous………..Mumu
Coucou Mumu,
belle à toi aussi et à la Cie.
Grosses bises.